Manal Abou Aoun
ccn, mariée, mère de famille, Liban
Dans le journal « l’Orient-le jour », Farid Chalfoun, un journaliste libanais, écrit : « "Le Liban est plus qu’un pays, c’est un message" (Pape Jean-Paul II dans une lettre apostolique du 9 septembre 1989). Ces mots souvent répétés avec tant d’autres sont aujourd’hui jugés par beaucoup comme faisant partie de ces phrases reflétant un idéal ne pouvant être réalisé vu la réalité quotidienne intolérable d’un peuple fatigué. Mais, qu’on le veuille ou non, le rôle de ce petit pays est beaucoup plus grand qu’il n’en a l’air ».
Ce pays si petit en surface et si grand dans son accueil à la diversité religieuse (18 confessions différentes) est un lieu à la fois agréable à vivre et très dur quand il s’agit de s’ouvrir à l’autre. Certes, 18 confessions partagent le même pays, mais chacune dans sa région, sa culture, son mode de vie ; se jugeant les unes les autres, à cause des nombreuses blessures non guéries et une fausse réconciliation dont on n’entend parler que dans les news mais jamais réellement vécue.
C’est dans ce contexte complexe de diversité que je suis née en 1981, vers la fin de la guerre civile. Mes parents sont, comme on dit au Liban, « la génération de la guerre », une génération fortement blessée par son identité et son appartenance à un pays qui ne les protège guère, blessée par l’ « autre » différent (nationalité ou religion). Cette génération qui a grandi dans un cocon pour sauver sa vie, à une époque où beaucoup ont été tués uniquement parce que leur carte d’identité indiquait « chrétien » ou « musulman ».
J’ai grandi avec cet héritage de peur qui m’envahissait, la peur des autres religions, la peur d’aller dans certaines régions au Liban, là où la majorité de la population est musulmane. J’ai bien accepté de vivre dans ce cocon chrétien sécurisant.
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Cet article fait partie du numéro 76 de la revue FOI
Ecouter la voix des femmes
mars-avril-mai 2023