Fête des 50 ans à Hautecombe

« Church of tomorrow »

Fêter ses 50 années d’existence donne l’occasion, certes, de se souvenir et rendre grâce pour les bienfaits accordés par Dieu. Mais c’est aussi, et c’est ce que la Communauté du Chemin Neuf a choisi de vivre, l’occasion de réunir des amis de différentes provenances chrétiennes et regarder, avec eux et grâce à eux, les enjeux pour l’Eglise et le monde d’aujourd’hui. C’est ainsi que 150 personnes se sont retrouvées à l’Abbaye d’Hautecombe, le 19 août, pour une journée de rencontre, d’échanges, de célébration et de fraternité, aux connotations particulièrement œcuméniques. « Tomorrow’s Church. Scruter les signes des temps, relever les défis ; faire fleurir les espérances ». Quatre temps de tables rondes ont ponctué cette journée, où sont intervenues des personnalités d’Eglise telles que le Cardinal J.M. Aveline, l’Archibishop J. Welby, le P. L. Fabre, fondateur du Chemin Neuf, la Pasteure mennonite A-C. Graber, Mgr. E. Vétö, Sr E. Sogbou et le P. F. Michon, actuel Modérateur général de la Communauté du Chemin Neuf. Les thèmes choisis pour ces tables rondes signifiaient une attention à la clameur de la terre et aux signes des temps : la situation des migrants, l'œcuménisme, l'interculturalité, la synodalité et la présence auprès des plus pauvres.

Scruter les « Signes des temps » – Les migrations et l’espace de la Méditerranée.

En ouverture de la première table ronde consacrée aux migrations et à l’espace de la Méditerranée, le décor est campé grâce au slam écrit par Marie, une jeune fille de 16 ans, qui cherche, avec ses mots, à dire Dieu présent dans le parcours que vivent les migrants.

La parole est ensuite donnée au Cardinal Aveline, qui, retraçant l’itinéraire migratoire de sa propre famille, nous donne à entendre ce que représente « quitter son pays ». L’Archevêque de Marseille, « ville dont l’histoire est constituée de couches de gens qui échouent là parce qu’il n’existe pas d’ailleurs », rapporte comment il en est venu à imaginer et à proposer au Pape François une rencontre entre différents responsables d’Eglise du pourtour de la Méditerranée, afin d’envisager ensemble la situation économique, environnementale, climatique, migratoire ainsi que les tensions géopolitiques de cette région aux cinq rives.
Pour Jean-Marc Aveline, cette mission concerne l’Eglise tout entière, car celle-ci est « au service de la relation d’amour que Dieu a avec le monde… La compassion de Dieu doit pouvoir s’exprimer aux hommes, particulièrement dans les situations de malnutrition, de pauvreté…. C’est un apprentissage de coopération avec l’Esprit Saint ».
Prenant la parole, Mgr Vétö est revenu sur l’Histoire de la Méditerranée, afin d’en souligner la transformation religieuse. Région du monde où il y avait le plus de Chrétiens, la Méditerranée est aujourd’hui bordée de pays où l’Islam est souvent majoritaire. Et le théologien salue l’humilité avec laquelle l’Eglise « tient le coup ».
Engagé dans le dialogue entre christianisme et judaïsme, Etienne Vétö a ensuite présenté la diversité religieuse en Méditerranée comme une réalisation de la catholicité, le rassemblement des promesses de l’Ancien Testament. « Que fait-on de cela ? Que fait le reste du monde pour que cette diversité soit une réussite ? », demande-t-il.
Après ces deux interventions principales, des libres échanges ont pu avoir lieu. L’Archevêque de Canterbury a rappelé quelques chiffres : le réchauffement climatique va provoquer (et provoque déjà) de 800 millions à 1 milliard de migrants. Face à ce défi , les gouvernants résistent. « Il faut une Eglise qui travaille ensemble. Comment on répond aux plus pauvres ? », interpelle-t-il.
L’intervention de Sr. Estelle Sogbou résonne dans ce sens : « Ces migrants sont le visage de Dieu. Ils ne sont pas à l’extérieur de l’Eglise, ils sont dans l’Eglise. C’est l’Eglise qui prend soin d’elle-même en prenant soin d’eux ». Ce qu’a confirmé le Cardinal Aveline : « Pour moi, la catholicité concerne toute la réalité humaine. Le rôle de l’Eglise est d’écouter le désir de Dieu dans toute l’humanité ».

Retrouvez la table ronde en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=JOOrd5-zqqE

Les multiples visages du christianisme – Unité des chrétiens et dialogue entre les cultures.

La deuxième table ronde, consacrée aux multiples visages du christianisme, fut introduite par une vidéo retraçant les initiatives œcuméniques qui ont marqué les dernières JMJ à Lisbonne, dont la Communauté du Chemin Neuf a été en partie à l’initiative. Sr. Anne-Cathy Graber et Sr. Estelle Sogbou ont fait résonner une double réflexion sur l’oecuménisme et l’interculturalité comme lieux privilégiés de recherche d’unité dans la diversité.

Lors de la « conversation » échangée à plusieurs, le P. François Michon prend d’ailleurs pour exemple les trois sœurs célibataires consacrées présentes sur le plateau (A-C. Graber, E. Sogbou et Bl. Lagrut) pour parler de la diversité réconciliée, si chère au Chemin Neuf. Pour son responsable, l’œcuménisme est le paradigme qui ouvre le chemin, « il est la porte d’entrée pour penser à partir de l’autre. C’est un envoi magistral du Christ vers l’humanité tout entière ».

Retrouvez la table ronde en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=W9QaIzIWEJU

« Un temps pour changer » – La Synodalité

Lors de son introduction à cette nouvelle table ronde, Sr. Blandine Lagrut a présenté la synodalité au XXIème siècle comme la (re) mise en mouvement de notre vie d’Eglise et notamment à travers l’écoute et la coresponsabilité. Pour reprendre le titre de l’ouvrage du Pape François, la synodalité, c’est : « Un temps pour changer ».

Mais, si ce Synode est une étape décisive pour l’Eglise catholique, cet événement a d’ores et déjà une portée œcuménique. Le pape François a d’ailleurs demandé aux frères et sœurs de toutes les confessions chrétiennes de venir à Rome le 30 septembre pour invoquer l’Esprit Saint sur cette étape du Synode. C’est l’évènement « Together », un message très fort que le Pape adresse : pour se transformer, pour devenir vraiment synodale, l’Eglise catholique a besoin des autres Eglises.

De fait, l’intervention de l’Archibishop Justin Welby à cette table ronde a confirmé cette intuition. Afin de répondre à la question : « Quelles seraient, selon vous, les ‘’bonnes pratiques’’ synodales ? », l’Archevêque de Canterbury a présenté les difficultés rencontrées lors du dernier synode de la Communion anglicane. Selon son expérience, « le Saint-Esprit agit dans les synodes ». Mais, il faut être prêt à suivre trois règles :
Commencer avec Jésus. Le regarder laver les pieds de ses disciples, l’écouter : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13). Une humilité sans restriction.
Travailler en petits groupes, pas seulement en assemblées plénières. Cela encourage à voir l’autre comme une personne humaine avec une dignité donnée par Dieu.
Pratiquer la « realpolitik », être réaliste sur les défis. Alors que le P. Laurent Fabre rappelait l’importance de l’engagement à la non-violence, Mgr Etienne Vétö soulignait qu’il n’existe pas de solution « miracle », mais qu’écouter l’Esprit Saint, c’est écouter la fraternité. Comment, alors, s’assurer que ceux qui ne peuvent pas prendre la parole puissent être écoutés ?
Le P. François Michon a pu partager l’expérience du Chapitre Général vécu à Hautecombe dans les jours précédents. Comment apprendre à écouter ensemble la volonté de Dieu, alors que les 72 capitulants étaient d’une vingtaine de nationalités différentes, d’états de vie, de modes de vie, et de confessions différentes ? « On ne voit pas la communauté du même endroit. Comment faire corps ensemble ? Il nous a fallu d’abord nous mettre aux pieds du Seigneur. Puis apprendre à ce ‘’sentir ensemble’’. Cela passe par un ‘’sacré’’ dessaisissement. Dans quelle mesure suis-je prêt à me laisser bouger ? ».

Retrouvez la table ronde en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=-As3TVVZTAU

« Les derniers seront les premiers »

« La Bible dit bien : ‘’Le dernier sera le premier.’’ Actuellement, c’est pas ça, constate Jean-Philippe, dans la vidéo introductive. Quand je vois qu’on ne laisse pas entrer dans les églises les gens qui font la manche sur le parvis, moi, ça me fait très mal. »
Ayant eu lui-même une vie difficile, Jean-Philippe est actuellement au service des plus pauvres et il interpelle l’Eglise : « Il faut vraiment ouvrir la maison à tous ! Vous avez des bâtiments qui ne servent à rien, donnez-les aux gens qui en ont besoin ! ».

Jésus accorde une attention spéciale à ceux qui se sentent « séparés » de Dieu et « exclus » de la communauté. Contre les usages de son époque, il les remet au centre du cercle (Mt 18).
Pourquoi ? Jésus veut faire passer un message à ceux qui se considèrent comme les disciples modèles, les bien insérés dans l’Eglise, « les riches ». Faites que les derniers soient les premiers ! Mettez les pauvres au centre ! Pas seulement pour que vous vous occupiez d’eux, mais surtout parce qu’eux vont s’occuper de vous, et vous en avez besoin.

A l’occasion de cette table ronde, chaque participant était invité à partager une expérience de rencontre qui l’a marqué avec un « petit » ou un « pauvre », au sens évangélique du terme.
Dès le début de son intervention, l’Archibishop Justin Welby reprend les paroles du Magnificat :
« Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.
Il comble de bien les af famés, renvoie les riches les mains vides. »
« Tous les deux ans, continue-t-il, je vais travailler dans les quartiers pauvres de Londres. C’est une discipline pour moi, et plus, c’est la joie d’être avec eux ! Le seul moyen, c’est de passer du temps avec eux ! »

S’est alors instauré un dialogue d’amitié entre Justin Welby et Jean-Marc Aveline : « On est encore très loin de réaliser cette église des pauvres, partage l’archevêque de Marseille. Il faut aider à convertir la générosité, donner aux uns et aux autres la possibilité de l’exprimer. »
« Souvent dans mes prières, lui confi e l’Archevêque de Canterbury, je vois une chute du nombre des fidèles dans l’église d’Angleterre et pourtant on est toujours riche et puissant ! Je dis : ‘’Seigneur, je me sens comme quelqu’un qui n’a rien à mettre dans sa colonne des bénéfices’’. Tout ce qu’on peut faire, c’est semer des grains de blé et c’est Dieu qui donne la récolte ! C’est la faiblesse qui a la capacité de changer le monde, restons dans cette espérance ! ».

Après avoir remercié les intervenants de ces tables rondes et tous les amis venus participer à cette journée « jubilaire », le P. François Michon a rappelé les centaines de jeunes venus aux JMJ qui ont soif d’entendre une parole d’espérance.
« L’Eglise est un canal de la Miséricorde de Dieu, elle en est le signe ‘’efficace’’. Voilà la parole d’espérance ! ».

Retrouvez la table ronde en vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=homE4GHLejA

Cet article fait partie du numéro 78 de la revue FOI

LE CHEMIN NEUF FÊTE SES 50 ANS

septembre-octobre-novembre 2023

Oecuménisme   Vie de l'église   Vie de la Communauté  

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