Blandine Lagrut
ccn, sœur consacrée, philosophe, enseigne au Centre Sèvres, Facultés Jésuites, Paris
Quand j’ai refermé ce numéro, j’ai regardé mon cœur. Et quelque chose avait changé. Mon cœur s’était peuplé. Mes sœurs étaient là.
Les « Lettre à ma mère » avaient plongé Lucyna et Clarisse dans une grande conversation. Marie, Amandine et Marie-Noëlle les écoutaient, une Ricoré à la main. Femmes mariées ou consacrées, elles avaient partagé leurs histoires. Et elles étaient transformatrices, comme des paraboles. Entre falaises et des prés fleuris, Blandine racontait les transitions acrobatiques : le métier, la famille, la communauté. Anne-Charlotte comparait son cycle menstruel à une session de surf. On riait beaucoup. Puis Luana s’était levée : « Au prochain Congrès Sisters 1 , l’atelier « Kiffe ton Cycle » sera ouvert aux femmes et aux hommes ! » Thomas et Michel – car il y avait deux hommes avec nous – ont applaudi chaleureusement. Un peu étonnés, mais heureux d’être invités.
« Voyons voir… Comment je vis le fait d’être une femme responsable dans la Communauté du Chemin Neuf ? » Magali s’étonnait, avec humour, de la question. On ne la poserait jamais à un homme. Y aurait-il une incompatibilité ou un risque spécifique ? Ca a lancé tout un débat ! Estelle était formelle : l’idée d’un ministère de théologienne est encore récente dans le monde catholique. « Au niveau de l’église locale, confiait Hyacinte, une femme responsable d’une communauté avec des prêtres, des hommes, n’est pas très courant ! » Moi, j’avais en tête ce phénomène social profond qui a modelé nos relations et qui pèse encore aujourd’hui. Vous savez ce truc qui fait l’objet de recherche, sur tous les continents, dans tous les groupes sociaux. La mentalité patriarcale. D’après Marie-Farouza, son empreinte se repère jusque dans les pèlerinages en Terre Sainte. De nouveaux itinéraires doivent être inventés pour mieux montrer le rôle des femmes dans la longue tradition biblique. Entre les femmes et les hommes, penser une relation qui libère, émancipe, répare…ce sera le thème du prochain numéro.
Et en attendant ? Osons des « actes de désobéissance créative » ! Lucy nous a raconté l’aventure d’un Podcast féministe chrétien, où des femmes – mais aussi d’autres personnes non ordon[1]nées – partagent sans rougir ni s’excuser leur homélie sur le texte du dimanche. Quelle « Bonne Nouvelle » ! » Véronique était enthousiaste, elle revenait tout juste d’un w.e. de louange avec 1700 chrétiennes où les prédicatrices s’étaient relayées. Catherine, évêque épiscopalienne de New-York, nous écoutait, tout sourire.
C’est vers la fin de la journée que Manal nous a prises à part : la grâce à demander, c’est la « curiosité aimable d’aller découvrir l’autre ». Paulina a ajouté : et d’« avoir un cœur qui se laisse sculpter par les différences. » Un cœur bien accroché aussi. On a écouté la secrétaire du groupe de travail africain contre les atrocités, Lina Zedriga, décrire sa lutte contre l’extrémisme ; puis Ghada qui aide les femmes victimes de violence à renaître de leurs cendres. Les femmes ont un feeling particulier en matière de résurrection. Kathia le sait bien, elle qui transforme les plantes invasives du Lac Tanganyika en objets d’art.
[1] En octobre 2023 à Lyon.
Cet article fait partie du numéro 76 de la revue FOI
Ecouter la voix des femmes
mars-avril-mai 2023